PORTRAIT HOMMAGE : CHANTAL DESCHAMPS, VISIONNAIRE ET MÉLOMANE

L’Aramusique souligne son 40e anniversaire et a choisi de présenter mensuellement 10 portraits de personnes qui ont fondé et développé l’organisme. Nous vous présentons aujourd’hui Chantal Deschamps, mélomane, mairesse de Repentigny de 1997 à 2021 et grande instigatrice de l’Espace culturel et du Théâtre Alphonse-Desjardins, maison de diffusion des concerts de l’Aramusique. Quatrième portrait de dix.

Chantal Deschamps portrait 40 ans Aramusique

Chantal Deschamps

Première femme élue mairesse de la Ville de Repentigny en 1997, Chantal Deschamps a également été préfète de la MRC de l’Assomption, première femme élue à siéger au conseil d’administration de la CMM et membre du conseil d’administration de l’Union des municipalités du Québec pendant plusieurs années. Son engagement lui a valu de nombreuses distinctions, dont le prix Jean-Paul-L’Allier, qui reconnaît la vision, le leadership et les réalisations en urbanisme et en aménagement du territoire. Avant de se lancer en politique, elle a obtenu un doctorat en psychopédagogie et elle a enseigné au Collège de l’Assomption ainsi qu’à l’Université du Québec à Montréal, à l’Université d’Ottawa et à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Quels ont été vos premiers contacts avec la musique et avec l’art en général ? Est-ce que la musique a toujours fait partie de votre vie ?
Mon premier contact avec la musique vient de ma mère qui a été pianiste de concert et qui était très engagée pour la culture, l’engagement social et aussi la politique. Elle a été professeure de musique et d’histoire mais n’a donné que quelques concerts sur scène. Je joue aussi du piano, j’ai fait des études pendant 4 ans au piano avec des religieuses ici à Repentigny, mais sans être à la hauteur du talent de ma mère. Les femmes autour de moi, ma mère, ma grand-mère et ma tante, étaient très engagées dans la musique et le théâtre ce qui fait que j’ai toujours été entourée de culture. Par ailleurs, mon amour de la nature et l’engagement de la vie communautaire et politique me viennent de mon père.

Quels ont été les événements précurseurs à la fondation de l’ARAM et des actions prises par le maire à l’époque, Dr Robert Lussier ?
Le premier Centre culturel de Repentigny, qui abritait le Théâtre d’été géré par le Théâtre du Nouveau Monde, a été bâti à l’initiative et sous l’administration du maire de l’époque, Dr Robert Lussier qui était un mélomane, amoureux des arts vivants. C’est au Centre culturel de Repentigny que j’ai vu ma première pièce de théâtre à l’âge de 8 ans avec l’actrice Louise Marleau. Cela m’a marquée à vie. Dr Lussier cumulait les fonctions de maire de Repentigny, ministre des affaires municipales et de médecin. C’est le Dr Lussier qui a eu la vision culturelle pour sa ville et qui l’a développée et enracinée dans la structure du Centre culturel. Par la suite, soit en 1983, il a encouragé une cohorte de citoyens mélomanes à fonder l’ARAM.

En tant que mairesse, à quel moment durant les 24 années de votre mandat avez-vous réalisé l’importance de la culture pour votre ville et votre communauté ?
La culture a toujours été très importante pour moi. D’ailleurs, ma thèse de doctorat en psychopédagogie s’est intitulée Le Chaos créateur, qui illustrait la part de la créativité dans les approches pédagogiques.
En tant que future mairesse en 1997, l’enjeu de la culture m’habitait toujours. Ma première campagne s’appelait Repentigny en santé : en santé financière, sportive, culturelle, sociale et environnementale. Mais en arrivant à la tête d’une ville, on comprend vite qu’il faut que les besoins de base soient comblés tels que la réfection des réseaux d’aqueduc, du réseau routier, bref, de la mise à niveau de vraiment tous les services.
Durant tout ce temps, mon administration a toujours appuyé les initiatives de l’ARAM. On avait aussi réussi à préserver les sommes accumulées à la fondation de l’ARAM, qui est devenue la Fondation Robert Lussier, sommes qui ont été le point de départ pour la levée de fonds pour la nouvelle salle de spectacle, le Théâtre Alphonse-Desjardins.

Quels ont été vos premiers contacts avec l’Aramusique et avec son fondateur monsieur Laurent Migué ?
Lorsque je suis arrivée à la mairie, j’étais très contente de constater que monsieur Laurent Migué dirigeait toujours l’ARAM. Il est certain que la venue d’un théâtre professionnel à L’Assomption a été un coup dur pour tous les organismes culturels de Repentigny, surtout pour l’ARAM, ses concerts et son concours de musique. Cela m’a convaincue qu’il était primordial de continuer nos actions en culture. Ma chance a été d’avoir plusieurs mandats comme mairesse. Cela m’a permis de restructurer la ville, entre autres, au point de vue financier et ensuite de me consacrer au dossier de la culture et de la mise en œuvre de L’Espace culturel, au grand bonheur de monsieur Migué, convaincu de l’importance d’avoir une salle de spectacle à Repentigny.

La Ville de Repentigny est le premier partenaire financier public de l’Aramusique. Est-ce que vous vous souvenez de la décision de soutenir ce diffuseur sur votre territoire et pour quelle raison ?
Le regroupement des villes de Repentigny et de Le Gardeur en 2002, nous a permis de faire un grand exercice de vision et de planification stratégique et de mettre la culture au cœur de nos priorités. D’abord, nous avons pu profiter de sommes allouées par le gouvernement du Québec afin de mettre en œuvre un réel centre-ville pour la ville de Repentigny et imaginer la suite en culture. C’est à ce moment-là qu’on a compris l’importance d’avoir une infrastructure pour accueillir toutes les activités culturelles incluant les bibliothèques, le Centre d’art et ensuite le Théâtre Alphonse-Desjardins. À partir du moment où on a soutenu l’ARAM, maintenant l’Aramusique, et qu’on a pu profiter d’une belle et longue période de stabilité à la Commission de la culture avec madame Denyse Peltier, on a pu créer des liens entre les organismes culturels afin de développer une nouvelle infrastructure en culture.

Quelles ont été les étapes majeures pour arriver à avoir une salle de spectacle à Repentigny et quelles ont été les personnes principales qui ont porté ce projet?
Pour réaliser de grands projets, la volonté politique est essentielle mais il faut qu’elle soit appuyée par la communauté. L’élément déclencheur a été l’avènement des Jeux du Québec d’hiver en 2007 à Repentigny. À ce moment-là, on a pu exposer au grand jour le savoir-faire Repentignois avec un événement d’ouverture et de clôture en plein hiver. Ce fut une grande réussite ainsi que majestueux et féérique, mettant au grand jour la créativité des gens du service des sports et de la culture et la mobilisation de tous les bénévoles de la MRC. Une réelle volonté de sortir Repentigny de son statut de ville dortoir a pris naissance afin de construire une ville à visage humain et donc de l’animer, en faisant des spectacles pour grand public au parc Saint-Laurent. Ce fut une stratégie de petits pas. Nous avons pu mettre en place la vision que Repentigny devait devenir une ville culturelle.
Trois ans plus tard, en 2010, une campagne de levée de fonds pour une salle de spectacle fut organisée par madame Micheline Charpentier, alors directrice générale de la Caisse Desjardins Pierre-Le Gardeur. Les gens d’affaires et de grands donateurs ont contribué 2 millions de dollars à cette levée de fonds. Ce montant a été recueilli et géré par la Fondation Robert Lussier qui a été le gardien de cette somme pour presque 10 ans avant de recevoir l’accord et les subventions pour la construction du nouveau théâtre.
La vision d’un centre-ville animé était toujours présente et c’est à la suite d’une consultation avec l’architecte et urbaniste, madame Renée Daoust, et l’architecte Dany Bergeron que la décision fut prise d’installer un Espace culturel dans le parc tout à côté de l’église de la Purification, la plus vieille église du diocèse du Grand Montréal, classée comme immeuble patrimonial en 1978.
Une première politique culturelle mise sur pied à la Ville de Repentigny en 2017 a soutenu la mise en œuvre de la salle de spectacle de l’Espace culturel. Un autre soutien est venu de la Corporation Hector-Charland qui a monté un cahier de charges avec madame Manon Fortin, Directrice de la culture, démontrant le besoin d’ajouter un plateau de diffusion dans la MRC. Ce dossier stratégique a été à la base des demandes de subventions aux gouvernements québécois et canadien, dossier qui démontrait la grande importance d’ajouter une salle de spectacle à Repentigny et de travailler en complémentarité avec les diffuseurs des villes de Lanaudière et avec l’Aramusique, diffuseur spécialisé de Repentigny.
C’est finalement après 10 ans de travail et de demandes déposées au Ministère de la culture et des communications du Québec, et après avoir consulté 8 ministres de la culture durant cette décennie que Repentigny a eu l’accord des gouvernements québécois et canadien pour la construction de la salle de spectacle en décembre 2018. L’ouverture du Théâtre Alphonse-Desjardins, prévue pour septembre 2020, s’est finalement réalisée en mai 2021. Nous avons déjà pu constater que la Ville de Repentigny a répondu à un besoin criant car l’Espace culturel est devenu le rendez-vous de toutes les générations.

Croyez-vous que la musique spécialisée (classique, jazz et du monde) a sa place et son importance dans notre société du 21e siècle, par exemple dans nos écoles ?
C’est poser la même question pour tout ce qui s’appelle culture et c’est tellement important. On peut facilement reprendre la phrase de Pierre de Coubertin : «un esprit sain dans un corps sain». Et on peut ajouter : pour avoir un esprit sain il faut que cet esprit soit nourri. À gouverner pour et près des citoyens, à les écouter et à évoluer avec eux, j’ai compris qu’on a intérêt, comme gouvernement de proximité, à initier à la beauté si on veut avoir une collectivité avec des citoyens et citoyennes épanouis au sein d’une société meilleure, plus durable et plus inclusive. L’initiation à la beauté ouvre les horizons et vient ajouter à la richesse d’une collectivité et à sa qualité de vie, avec un meilleur environnement qui inclus toutes les autres disciplines, tel que le sport. Mais si on enlève la culture, il n’y a plus d’appartenance et il n’y a plus de sens à cette collectivité. Je considère que c’est une tragédie à chaque fois qu’une municipalité, dans un exercice de restriction budgétaire, coupe dans la culture parce que c’est une coupure dans le plaisir des citoyens et dans leur émancipation. Et cela touche toutes les générations et toutes les cultures.

Quels sont, d’après vous, les plus grands défis pour l’Aramusique au 21e siècle?
Comme organisme culturel et comme diffuseur spécialisé en musique, il y aura toujours le risque d’être fragilisé par toutes sortes de facteurs et de circonstances. La nature et l’unicité même de l’organisme le rend fragile. L’Aramusique aura besoin d’une grande vigilance pour continuer sa mission. Il faut que les citoyens comprennent qu’ils ont un rôle à jouer par rapport à votre organisme. L’Aramusique fait vivre des musiciens et initie des gens de tout âge, y compris les jeunes dans notre ville familiale, à un des volets culturels le plus important, c’est-à-dire la musique. Et cela est une mission qu’il faut absolument faire connaitre aux citoyens.

Quel souhait avez-vous pour l’Aramusique?
Que le rayonnement de l’Aramusique se fasse sentir à l’année longue à Repentigny.

EN RAFALE

Année de naissance : 1953
Ville de naissance : Repentigny
Résidence : Repentigny
Carrière : Professeure d’université et chercheuse, mairesse de Repentigny, préfète de la MRC de L’Assomption et présidente de la CMM
Famille : 3e d’une famille de trois enfants. Mariée à Pierre Picard depuis 50 ans.
Musiques préférées : J’aime tous les genres de musique, particulièrement les pièces au piano et au violon.
Lectures préférées : Biographies, romans dont les romans policiers ainsi que les ouvrages historiques.
Loisirs : Le ski, la course à pied, un peu de tennis, le kayak et le jardinage.
Un rêve à réaliser : Beaucoup de rêves à réaliser, spontanément je pense écrire un roman, un premier ouvrage romanesque qui se passerait sur la plage Philippe.

Rappelons que l’Aramusique est le diffuseur spécialisé en musique du Théâtre Alphonse-Desjardins, qui a pour mission d’offrir des activités musicales de haut niveau au plus grand nombre, d’initier un jeune public à la musique et d’être un carrefour pour les artistes et artisans du milieu.