GISÈLE CÔTÉ, MUSICIENNE ET VISIONNAIRE 

L’Aramusique souligne son 40e anniversaire et a choisi de présenter mensuellement 10 portraits de personnes qui ont fondé et développé l’organisme. Aujourd’hui, nous vous présentons notre dernier portrait, celui de Gisèle Côté, directrice générale et artistique de l’Aramusique depuis une décennie en plus d’être une gestionnaire passionnée de musique, munie d’une grande volonté de la faire rayonner dans toutes les sphères de la société. Dixième portrait de dix.

Gisèle Côté portrait hommage

Gisèle Côté (photo : Caroline Babin)

Détentrice d’un baccalauréat en musicologie, Gisèle Côté a toujours été habitée par la musique. Tout au long de sa carrière, elle a su conjuguer ses talents de gestionnaire avec sa passion de faire connaitre cette musique au plus grand nombre. Coordonnatrice artistique pour les Jeunesses Musicales Canada pendant plus de dix ans, madame Côté s’est jointe par la suite à l’équipe de la direction Musique et Danse au Conseil des arts et des lettres du Québec pour soutenir une cinquantaine d’organismes en musique pendant huit ans. Elle œuvre au sein de l’Aramusique depuis janvier 2014.

Afin que l’on puisse vous connaitre un peu mieux, racontez-nous votre parcours et votre rapport avec la musique.

Tôt dans ma vie, j’ai réalisé que la musique était la seule chose que je voulais étudier et j’ai poursuivi mes études jusqu’au baccalauréat en piano et en musicologie. Dès la fin de mes études, j’ai eu un emploi avec les Jeunesses Musicales Canada (JMC) qui m’a permis éventuellement d’avoir le poste que je convoitais de coordonnatrice artistique. C’est dans ce poste que j’ai pu rencontrer les meilleurs artistes du Québec et du Canada qui ont encore aujourd’hui une carrière nationale et internationale en musique. J’ai eu la chance de m’initier à toute la gestion de concerts et de tournées en plus de participer à l’organisation de l’Orchestre Mondial des Jeunesses Musicales fondé par Gilles Lefebvre, le fondateur des JMC. C’est un orchestre qui était composé de 100 musiciens d’une quarantaine de pays, sous la direction de grands chefs tels que Charles Dutoit, Zubin Mehta et Leonard Bernstein. Gérer les rencontres de l’Orchestre Mondial au Canada et à l’étranger, en plus d’assurer la coordination des concerts au Canada ont été des expériences inoubliables et extrêmement formatrices.

Employée par la suite par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), j’ai pu compléter ma formation au niveau de la gestion des finances et la gouvernance des OSBL en plus d’animer des comités de pairs lors des évaluations des organismes. Le programme Mécénat Placement Culture a débuté pendant mes années au CALQ, programme qui va me servir plusieurs années plus tard à partir un fonds de dotation à l’Aramusique. Ce fut une étape importante dans ma carrière qui a complété ma formation de gestionnaire et qui m’a permis d’accepter la direction de l’ARAM en 2014.

Avant que l’on vous approche pour vous offrir la direction de l’ARAM en 2014, que saviez-vous de cet organisme ?

Je ne savais pas grand-chose de l’ARAM à part le fait que cet organisme venait de changer son statut de diffuseur pluridisciplinaire à diffuseur spécialisé.  J’ai été très bien accueillie dans cette ville que je n’avais jamais visitée et où je ne connaissais que deux personnes, Claude de Grandpré, le directeur général de la Corporation Hector-Charland et Manon Fortin, la directrice des arts, de la culture et des lettres de la Ville de Repentigny. Après plusieurs mois, j’ai pu découvrir et apprendre à connaitre une communauté engagée autour d’enjeux importants de la société dont la culture, sous la direction de sa mairesse Chantal Deschamps.

Quels sont les mandats que vous vous êtes donnés dès votre arrivée en poste ?

J’ai pris le temps de connaitre tous les dossiers afin d’évaluer les acquis de l’organisme et les manques à combler. Mon premier mandat a été de faire une programmation pour la saison 2014-2015 me permettant de programmer une série jeune public pour le dimanche matin, les Sons et Brioches. Je trouvais et trouve encore aujourd’hui très important d’initier un jeune public à la musique classique. Le fondateur, monsieur Laurent Migué était très heureux que je reprenne cette série qu’il avait lui-même programmée durant les années quatre-vingt. Pour les concerts grand public, mon objectif était de réaliser une programmation accessible et intéressante avec de grands artistes du Québec. L’autre mandat que je me suis donné rapidement était d’aller chercher des revenus diversifiés et de restructurer les finances de l’organisme. Bref, il y avait beaucoup à faire !

Pourquoi était-il important de développer un volet jeune public aussi rapidement ?

Je considère que le goût de la musique commence dès l’enfance. J’ai eu ma première leçon de piano à l’âge de trois ans et demi et chez nous, il y avait toujours de la musique classique à la radio, autant sur le réseau francophone qu’anglophone de Radio-Canada. J’ai eu la chance de fréquenter des concerts de l’Orchestre symphonique de Montréal autant par les sorties scolaires qu’avec mes parents. Si les jeunes n’ont pas accès à la musique, ils n’acquièrent pas les outils pour l’apprécier ni le goût de fréquenter des concerts. Donc, la série Sons et Brioches était primordiale pour moi. Toujours pour le jeune public, l’Aramusique a pu s’associer à Hector-Charland dès l’ouverture du Centre d’art Diane-Dufresne pour présenter des concerts scolaires en attendant la construction du Théâtre Alphonse-Desjardins. J’ai été très contente d’accueillir les élèves pour des concerts, qui dans mes premières saisons étaient majoritairement produits par les JMC, car je connaissais la qualité de leurs concerts éducatifs, ludiques et présentés par d’excellents artistes. Les écoles de la région apprécient beaucoup ces concerts qui leur permettent d’initier leurs élèves à la musique classique.

Comment avez-vous réussi à mobiliser la communauté autour de l’Aramusique au fil des années et qu’est-ce que cela rapporte à l’organisme aujourd’hui ?

Au tout début de mon mandat, les membres du CA ont décidé de réaliser une soirée bénéfice sous la présidence d’honneur de madame Chantal Deschamps, mairesse de Repentigny, pour rassembler toute la communauté d’affaires. La directrice de la culture, madame Manon Fortin a eu l’idée de créer un événement autour d’un parcours culinaire et culturel mettant en lumière les artisans locaux soit des artistes, des restaurateurs et des vignobles pour créer des salons autour de thèmes pour agrémenter la soirée.  Exceptionnellement, la Ville nous a permis d’utiliser ses locaux durant cette soirée événementielle. Ce fut une grande réussite et c’est à ce moment-là que la communauté a commencé à découvrir ou redécouvrir toutes les activités de concerts de l’Aramusique, organisme qui était encore un des secrets les mieux gardés à Repentigny. Nous avons continué à réaliser des événements bénéfice annuellement afin de continuer ce travail de développement et également pour répondre à la demande de la communauté qui a montré très vite son appréciation pour ces grandes soirées.  Ces événements réunissant le tout Repentigny, nous ont permis de rencontrer le milieu des affaires et d’associer des partenaires à nos concerts, en plus d’ajouter des membres influents sur notre conseil d’administration. On ne peut que constater que ces grandes soirées nous ont ouvert beaucoup de portes dans la grande communauté de Repentigny.

Toujours du côté du développement de notre notoriété et visibilité, nous avons eu l’opportunité durant sept étés de codiffuser, avec la Ville de Repentigny, le Grand Concert d’un orchestre symphonique, devant des milliers de personnes au parc de l’Île-Lebel. Ce fut une merveilleuse vitrine pour l’Aramusique et sa musique de concert.

Est-ce que la route a été facile ? Comment avez-vous tenu bon lors des périodes les plus complexes à traverser ?

Gérer un organisme à but non lucratif (OBNL) en culture n’est jamais facile et il y a toujours des enjeux inhérents à son développement, que l’on soit à Repentigny, à Montréal ou ailleurs. Des enjeux financiers, de développement de public et de rétention d’employés, entre autres, font partie de l’équation lorsqu’on dirige un OBNL. Et nous vivons encore aujourd’hui les retombées d’avoir ouvert un nouveau théâtre avec du retard et en pleine période de pandémie. Le constat que l’on fait quotidiennement est que beaucoup de Repentignois ne connaissent pas encore leur théâtre!

Notre situation unique de partager ce théâtre avec Diffusion Hector-Charland, diffuseur pluridisciplinaire à L’Assomption et maintenant à Repentigny en plus d’être le gestionnaire du Théâtre Alphonse-Desjardins, comporte aussi son lot d’enjeux.  L’Aramusique présente des concerts de musique spécialisée (classique, du monde et jazz) et doit tirer son épingle du jeu pour attirer le public vers des concerts nichés avec des artistes peu ou pas connus. Le défi est grand et m’oblige continuellement à m’ajuster et à m’assurer que les concerts présentés sont accessibles et attirants. Ce travail de programmation demande beaucoup de réflexion afin de présenter des concerts d’excellentes qualités, offrant une musique où le public peut se reconnaitre tout en laissant la part belle à des découvertes musicales. Le tout enrobé dans une présentation par les artistes lors de nos concerts et de notre lancement afin de donner le goût au public de venir au concert. Mon objectif est de continuer à développer l’organisme et son offre de concerts dans sa ville, de le faire connaitre et reconnaitre, et de démontrer son utilité dans une société qui n’est pas toujours exposée à la musique spécialisée.

L’Aramusique habite enfin le Théâtre Alphonse-Desjardins. Qu’est-ce que cela représente aujourd’hui pour le public, les artistes et l’organisme après 38 ans d’attente ?

Premièrement, ce théâtre rend l’Aramusique visible. Auparavant, nous présentions nos concerts dans divers endroits tels que la salle du conseil de l’Hôtel de ville, le Centre d’art Diane-Dufresne et l’église de la Purification. Le fait de centrer notre offre dans un magnifique théâtre au sein d’un Espace culturel permet à L’Aramusique de développer et d’initier un large public. D’ailleurs, nous avons tout de suite pu constater les résultats dès notre première saison en 2021-2022 où nous avons doublé nos revenus de billetterie. Travailler dans une salle munie d’éclairages et de sonorisation avec une équipe professionnelle, en plus de pouvoir présenter des concerts en formule cabaret, sont des atouts indéniables qui contribuent à attirer un nouveau public. Diffuser dans un théâtre professionnel nous a également donné une reconnaissance auprès de nos partenaires subventionneurs et nos partenaires commanditaires. Nous sommes très reconnaissants de pouvoir enfin déployer nos activités dans le théâtre de la Ville de Repentigny. Mon seul regret est que des personnes clés telles que nos fondateurs Laurent Migué et Hélène Roberge n’ont pas pu voir ce rêve se réaliser… c’était le rêve de beaucoup de personnes.

Presqu’une décennie après votre arrivée en poste, quel bilan faites-vous du chemin parcouru?

L’Aramusique a fait un grand bon, elle est mieux connue dans sa ville, autant par les citoyens, le public plus nombreux au concert que par les gens d’affaires. Comme tout organisme à but non lucratif, nous avons toujours le souci de maintenir un équilibre budgétaire, mais l’Aramusique a aujourd’hui une certaine liberté financière qu’elle n’a pas connue depuis sa fondation. La reconnaissance de nos pairs se reflète, entre autres, par l’augmentation de nos subventions aux trois niveaux : municipal, provincial et fédéral. De plus, avec l’appui des membres de notre conseil d’administration et de la communauté, j’ai pu partir un fonds de dotation à perpétuité afin d’assurer un revenu additionnel annuellement. Nous continuons à recevoir des dons des citoyens qui croient à la nécessité d’avoir des concerts de musique spécialisée chez eux.  Nous avons acquis au fil des ans une liberté de croissance, de développement et de dissémination dans notre ville et les environs et souhaitons que tous puissent se retrouver au théâtre lors de nos concerts. D’ailleurs, nous sommes très heureux de retrouver les amis de l’Aramusique lors de notre grande soirée bénéfice 40e anniversaire en juin. Je suis très fière de la dernière décennie et du grand chemin parcouru de notre petit organisme qui voit grand !

Où voyez-vous l’Aramusique dans 10 ans, au moment de célébrer son 50e anniversaire ?

Mon vœu le plus sincère pour l’Aramusique est qu’elle fasse partie intégrante, d’office des activités du Théâtre Alphonse-Desjardins et de la communauté. Et que l’Aramusique soit reconnue par tous comme le diffuseur en musique de Repentigny, qu’on ne craigne plus de venir à des concerts spécialisés, que les portes de nos concerts sont ouvertes à tous. Je souhaite également que les gens se sentent accueillis dans leur théâtre autant pour écouter un humoriste, une pièce de théâtre, un chansonnier que pour écouter un concert jazz ou de musique classique. Car lorsqu’on voit le chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin faire un concert avec l’Orchestre Métropolitain devant 50 000 personnes, on réalise que la musique classique peut et doit être accessible à tout le monde. Que finalement l’expérience ultime de venir s’installer dans un théâtre et de venir à la rencontre de l’artiste est unique et n’est pas comparable à l’écouter sur écran. Lorsque je suis témoin du bonheur du public pendant ou après un concert, je constate qu’il est très important de continuer notre mission de faire rayonner la musique au plus grand nombre possible, à un public de tous les âges et de toutes les cultures.

EN RAFALE

Année de naissance : 1961

Ville de naissance : Rosemère

Résidence : Montréal

Carrière : Gestionnaire culturelle

Famille : 4e de 6 enfants, mariée, mère d’un fils  

Musiques préférées : Classique, jazz, du monde, chanson francophone et anglophone

Lectures préférées : Une grande variété de bouquins francophones et anglophones

Loisirs : Fréquenter les spectacles, voyager, la lecture, la cuisine, le tricot, le piano…

Un rêve à réaliser : Vivre en santé avec mes amours et profiter de la culture sous toutes ses formes.

Rappelons que l’Aramusique est le diffuseur spécialisé en musique du Théâtre Alphonse-Desjardins, qui a pour mission d’offrir des activités musicales de haut niveau au plus grand nombre, d’initier un jeune public à la musique et d’être un carrefour pour les artistes et artisans du milieu.